Les progrès des technologies de l’information ont permis le développement de méthodes informatisées (in silico) pour la recherche biomédicale et les tests de substances chimiques et biologiques. À ce jour, la plupart des progrès de ces méthodes ont été réalisés dans le domaine de la toxicologie. De nombreuses méthodes de calcul ont été développées pour prédire la toxicité et les propriétés physico-chimiques des produits (en particulier pour les produits soumis à la régulation REACH) et peuvent ainsi jouer un rôle dans le remplacement et/ou la réduction des tests sur les animaux.
Des exemples de méthodes « in silico » utilisées en toxicologie
Les modèles SAR ou QSAR
La modélisation de la relation structure-activité (SAR) ou de la relation quantitative structure-activité (QSAR) se fonde sur les données disponibles sur des produits chimiques existants. Ces relations sont intégrées dans des bases de données, permettant, via des modèles mathématiques et un raisonnement par analogie, par familles de substances, de prédire le risque toxique d’une substance ; ces méthodes ont été utilisées par exemple pour l’étude de la sensibilisation de la peau, de l’irritation de l’œil…
Le « read-across »
La méthode des références croisées (read-across) est utilisée afin de prédire les propriétés toxiques d’une substance dont la structure chimique est très proche de celle d’une autre substance dont on connaît déjà les propriétés. C’est une méthode rapide et peu coûteuse. La difficulté réside dans l’évaluation des caractéristiques susceptibles d’attester de la proximité des deux substances considérées ; cependant la pertinence de cette évaluation est renforcée par la qualité des bases de données. Cette technique est utilisée dans de nombreux domaines : cancérogénicité, hépato-toxicité, toxicité aquatique, toxicité reproductive, sensibilisation cutanée, irritation des yeux, toxicité environnementale.
Les modèles PBPK
Les modèles pharmacocinétiques basés sur la physiologie (PBPK) sont des représentations mathématiques de l’absorption, de la distribution, du métabolisme et de l’élimination des produits chimiques chez l’homme ou d’autres espèces animales. Ils sont utilisés à des fins multiples, par exemple la simulation de concentrations du produit dans l’organisme. Ils peuvent également aider à prévoir les variations de sensibilité entre les individus et à différents stades de développement, qui ne peuvent pas être correctement traitées par les tests classiques sur les animaux.
Pour construire et faire vivre ces modèles, des outils de « machine learning » et des bases de données sont disponibles, notamment dans le cadre de REACH, par exemple la base RASAR. Il a été montré dans certaines applications que ces outils et modèles présentent une meilleure performance dans la prédiction de la sécurité des produits que les tests sur animaux.
Les systèmes intégrés
D’autres démarches sont menées, cherchant à intégrer les informations issues de plusieurs sources. Les chemins des effets adverses (ou effets néfastes) (AOP : « Adverse Outcome Pathways »), méthode promue notamment par l’OCDE, cherchent à modéliser la séquence d’évènements biochimiques en cas d’exposition à une substance, prenant en compte les interactions complexes des facteurs qui conduisent à une toxicité.
Enfin, les approches intégrées de test et d’évaluation (IATA, Integrated Approaches for Testing and Assessment) permettent de prendre des décisions sur la toxicité de substances en utilisant les sources d’informations issues de différents niveaux d’approche : propriétés physico-chimiques, méthodes QSAR et des références croisées, tests de toxicité in vitro et in vivo, AOP.
D’autres méthodes « in silico »
La modélisation informatique du fonctionnement physiologique et des maladies
C’est un autre domaine où les méthodes in silico peuvent remplacer l’utilisation des animaux, au fur et à mesure de l’accumulation des connaissances ; lorsque l’ensemble des paramètres d’un phénomène physiologique ou pathologique ont été décrits, il devient possible de procéder à une modélisation informatique, reliant les processus, permettant des simulations non réalisables in vivo, par exemple pour déterminer l’impact de la modification d’un paramètre donné sur l’évolution du système modélisé.
Les outils d’intelligence artificielle sont de plus en plus mobilisés dans ce but. Par exemple, le système AlphaFold, développé par l’entreprise DeepMind, racheté par Google en 2014, permet de prédire la structure tridimensionnelle d’une protéine à partir de la séquence linéaire des acides aminés qui la constituent, et ce, en très peu de temps (environ deux heures pour une chaîne de quelques centaines d’acides aminés). AlphaFold devrait ainsi accélérer considérablement la détermination des structures protéiques. Cela peut aider à formuler des hypothèses sur les fonctions biologiques des molécules, testables en introduisant des mutations, ou à rechercher des petites molécules capables de se fixer sur l’une des parties repliées de la protéine afin de bloquer ou perturber sa fonction, en vue de traiter certaines maladies ou de neutraliser des agents pathogènes (article ici).
Autre exemple, en toxicologie, l’intelligence artificielle est mobilisée pour extraire une information pertinente à partir de l’analyse automatique de toutes les données connues ; un exemple a été développé en France sur le bisphénol S, en identifiant un risque d’obésité (article ici). L’outil en lui-même n’a pas vocation à prouver la toxicité ou l’innocuité d’une substance, mais à pointer du doigt des effets à étudier. Sans les éliminer complètement, il pourrait permettre de « réduire les tests sur les animaux en dirigeant vers des tests plus ciblés ».
La biologie systémique (ou biologie des systèmes, ou encore biologie intégrative)
Elle offre des possibilités d’analyse nouvelles dans un grand nombre de domaines, en se fondant sur des analyses mathématiques et statistiques. Elle aborde les organismes et les systèmes dans leur complexité, cherchant à intégrer les différents paramètres en interaction (organites intra-cellulaires, cellules, réseaux de gènes et de protéines, communications entre cellules…), sur plusieurs niveaux d’analyse (intégration multi-échelles), afin de produire un modèle de fonctionnement de la totalité du système, et de comprendre les interactions dynamiques entre composants d’un système vivant (et entre systèmes vivants en interaction avec l’environnement). Il est alors possible de simuler l’effet d’un médicament par exemple, par une analyse de tous les niveaux d’organisation du système, en modifiant les paramètres voulus, et d’effectuer des prédictions. La biologie systémique est intrinsèquement interdisciplinaire.
La réalité virtuelle et la simulation chirurgicale
Il s’agit d’autres applications de la modélisation informatique qui sont mises en œuvre entre autres au CHU de Strasbourg, à l’Institut hospitalo-universitaire : Pour en savoir plus cliquez ici.
La solution « Visible patient » propose des simulations d’organes pour la majorité des chirurgies digestives, thoraciques, urologiques et pédiatriques : Pour en savoir plus cliquez ici.
Citons aussi le système Hololens de Microsoft, ordinateur holographique autonome qui fait apparaître, dans le monde physique, des objets en 3D, avec lesquels on peut interagir, et dont les applications dans le champ de la santé sont multiples : aide au diagnostic, assistance pour des opérations chirurgicales, meilleure formation des médecins, …
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