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Depuis 2013 : inaction et « laissez-faire »

En France, deux ministères sont directement concernés par l’utilisation des animaux à des fins scientifiques : le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) et le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire (MASA). Le premier pour la délivrance des autorisations des projets de recherche et le second pour les inspections des établissements utilisateurs et la formation des personnels.

Leur laxisme dans l’application de la réglementation n’a d’égal que leur manque de transparence vis-à-vis des activités liées à l’expérimentation animale.

De nombreux dysfonctionnements et irrégularités sont mis au jour depuis plusieurs années grâce à la vigilance et à la ténacité de quelques ONG qui, face au silence assourdissant qu’opposent les administrations à leurs demandes d’information ou de régularisation, se voient contraintes de faire appel à la justice administrative.

Celle-ci rend le plus souvent des décisions favorables aux ONG.

Considérant les dispositions de la directive européenne 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, un certain nombre de mesures auraient dû être prises dès 2013 (année de transposition de la directive en droit français) pour assurer la mise en œuvre effective et conforme de la nouvelle réglementation ainsi que le contrôle de celle-ci et l’application de sanctions dissuasives en cas de manquements.

Il n’en a rien été.

Le constat est particulièrement édifiant en ce qui concerne l’évaluation des projets de recherche ou éducatifs utilisant des animaux.

Si l’on trouve effectivement un certain nombre de dispositions dans l’arrêté du 1er février 2013 « relatif à l’évaluation éthique et à l’autorisation des projets utilisant des animaux dans des procédures expérimentales » ainsi que dans les articles R 214-117 à 121 du Code Rural et de la Pêche Maritime – lesquels s’efforcent de retranscrire la volonté du législateur européen – dans les faits, les projets sont toujours évalués de la même manière qu’avant 2013.

La procédure a changé mais les fonctionnements sont restés les mêmes.

Certes, depuis 2013, les projets utilisant des animaux doivent obtenir une autorisation administrative délivrée par le MESR, celle-ci ne pouvant être délivrée que si le projet a reçu en amont l’avis favorable d’un Comité d’éthique en expérimentation animale (CEEA).

Mais les CEEA existaient déjà bien avant 2013 pour la plupart d’entre eux. Ils n’ont pas été créés à l’initiative des pouvoirs publics mais à l’initiative des établissements utilisateurs, certaines équipes de recherche souhaitant prendre en compte des règles de bonnes pratiques.

A partir de 2013, une sérieuse « remise à plat » du système s’avérait nécessaire, elle n’a pas eu lieu.

Alors même que ces comités se sont vu déléguer une compétence de l’Etat, ils sont restés – comme précédemment – sans statut juridique. Aucune règle de fonctionnement ne leur a été fixée par les pouvoirs publics (les règlements intérieurs – quand ils existent – ont été rédigés par les établissements utilisateurs eux-mêmes). La composition des comités est restée la même qu’avant 2013 et la représentation des acteurs de l’expérimentation animale y est toujours très largement majoritaire tandis qu’il n’y a aucune obligation d’inclure des experts des méthodes non-animales (pour appliquer le principe de Remplacement) ou d’autres compétences nécessaires à une évaluation conforme à la réglementation.

Quant à l’absence de conflit d’intérêt des membres, il n’est nullement garanti. Les audits (au moins) annuels prévus par la réglementation ne sont pas réalisés par le MESR. Seuls 10 CEEA ont été audités en 2019 (sur plus de 120 en activité à ce moment-là et 87 aujourd’hui).

La justice administrative au secours des ONG : les jugements du tribunal administratif de Paris et du Conseil d’Etat.

Le 8 février 2024 : 10 jugements du tribunal administratif de Paris en faveur de l’application de la réglementation relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Le tribunal administratif de Paris a tranché en faveur de Transcience et contre le MESR et décidé de l’abrogation de 10 autorisations de projets délivrées sur le fondement de l’avis favorable de CEEA non agréés au moment de la délivrance de l’autorisation. Le MESR a interjeté appel de cette décision lequel a été rejeté par la Cour Administrative d’Appel.

Dès lors que Transcience avait la confirmation que les CEEA n’avaient jamais été agréés par le MESR – alors qu’ils auraient dû l’être dès 2013 – le ministère s’est empressé d’agréer la plupart des comités (87). Car de facto le non-agrément des CEEA rendait illégales toutes les autorisations de projets qu’il avait délivrées depuis 2013 (environ 22 000).

La procédure d’agrément ayant été très rapide, Transcience a demandé au MESR la communication d’une trentaine de dossiers afin de s’assurer que les conditions requises par la réglementation étaient bien garanties. Il s’avère que – vérification faite – les agréments avaient été délivrés par le MESR sur le fondement de dossiers incomplets constitués de documents disparates et pour la plupart obsolètes. Transcience a donc demandé au MESR qu’il abroge ces agréments puis, face au refus implicite de celui-ci, a demandé leur abrogation au tribunal administratif.

Le 26 juin 2025 : 18 jugements du tribunal administratif de Paris en faveur du respect de la réglementation relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Le tribunal administratif de Paris a – de nouveau – donné raison à Transcience contre le MESR en décidant de l’annulation de 18 agréments délivrés à des CEEA en 2022.

Pour consulter les décisions du tribunal administratif de Paris : cliquer ici

Le ministère peut encore interjeter appel de cette décision. Cependant en droit administratif celui-ci n’est pas suspensif.

Quelles sont les conséquences de ces jugements ?

Le fait que ces 18 comités ne soient plus agréés depuis la date de publication du jugement signifie qu’ils ne peuvent plus rendre d’avis sur les projets qui leur sont soumis par des chercheurs jusqu’à ce qu’ils aient obtenu un nouvel agrément. Sans l’avis des CEEA, le MESR ne peut plus délivrer d’autorisations de projets aux établissements rattachés à ces comités. Dans le cas contraire, les autorisations délivrées par le ministère seraient de facto illégales (comme elles l’ont été entre 2013 et 2022).

Pour délivrer un nouvel agrément à ces 18 comités, le MESR devra cette fois s’assurer qu’il dispose de tous les documents requis et que ceux-ci sont actualisés.

Le 16 juin 2025 : Une décision historique du Conseil d’Etat en faveur de la transparence.

Nous tenons à féliciter le président de l’association OXA (Observatoire de l’Expérimentation Animale) pour les démarches qu’il effectue sans relâche depuis plusieurs années auprès des Directions Départementales de Protection des Populations (DDPP) – qui officient auprès des Préfets – pour obtenir communication des rapports d’inspection des établissements utilisant des animaux à des fins scientifiques.

Confronté au refus de ces DDPP, il a dû faire appel aux tribunaux administratifs qui – pour la plupart d’entre eux – ont émis des jugements en sa faveur. Il a pu ainsi obtenir des centaines de rapports lesquels ont révélé de nombreuses non-conformités de différentes natures et d’importance variable (mineures, moyennes ou majeures).

Le cas de la Préfecture des Bouches du Rhône.

Le tribunal administratif de Marseille avait émis un jugement favorable à la communication des rapports d’inspection des établissements utilisant des animaux à des fins scientifiques dans le département des Bouches du Rhône. Cette décision a beaucoup déplu au Préfet et le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire a donc déposé un recours auprès du Conseil d’Etat contre le jugement de ce tribunal administratif.

Mauvaise idée !

Le Conseil d’Etat a confirmé dans une décision du 16 juin dernier (n°493820) que les rapports d’inspection étaient communicables (sous réserve des occultations relatives au secret de la vie privée et aux indications qui permettraient de reconnaître les établissements inspectés).

Cette décision est particulièrement importante car elle fera jurisprudence.

Les DDPP ne pourront plus refuser à quiconque d’avoir accès aux rapports d’inspection et, à l’intérieur de ces rapports, les informations qui permettront « de savoir dans quelle mesure les règles de protection des animaux sont respectées et leur application vérifiée » devront demeurer intelligibles.