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Analyse des données statistiques sur le nombre d’animaux utilisés à des fins scientifiques dans les Etats membres de l’Union européenne

En juillet 2024, la Commission européenne a publié un rapport sur les données statistiques de l’année 2022 des Etats membres et de la Norvège, ainsi qu’un rapport dit « quinquennal » dans lequel sont comptabilisés pour l’année 2022 les animaux appartenant à des catégories non prises en compte dans les rapports annuels (le rapport quinquennal précédent ayant porté sur l’année 2017).

1 – Les rapports annuels prennent en compte :

  • les animaux utilisés dans les procédures à des fins de recherche ou de tests réglementaires,
  • les animaux utilisés pour la création et l’entretien de lignées d’animaux génétiquement modifiés.
UE (hors Royaume-Uni) + Norvège20182022
Animaux utilisés dans les procédures expérimentales (recherche, tests réglementaires, productions de routine, enseignement)8 979 081 dont : – premières utilisations : 8 822 404 – réutilisations : 156 6778 477 845 dont : – premières utilisations : 8 385 397 – réutilisations : 92 448
Animaux utilisés pour la création de lignées génétiques378 876341 233
Animaux utilisés pour la maintenance de lignées génétiques531 068510 912
                                                                                                                                       TOTAL9 889 0259 329 990 (- 5,7%)

Note : l’année de référence est 2018 pour raisonner à champ constant. En 2017, le Royaume-Uni était inclus dans les statistiques publiées et la Norvège ne l’était pas encore.

En 4 ans, la diminution du nombre d’animaux utilisés n’a été que de 5,7%, soit en moyenne 1,4% par an.

Toutefois, la situation est différente selon les espèces et les domaines.

Par espèce, il y a une tendance à moins utiliser de rongeurs (- 12,1% entre 2018 et 2022, en premières utilisations), de chiens (- 41,2%), de primates non humains (- 5,4%), et par contre à utiliser davantage d’amphibiens (+ 34,9%), d’oiseaux (+ 18,5%), de lapins (+ 12,1%), d’animaux de ferme (+ 5,6%), de poissons (+ 2,7%).

Dans la description par domaine, le rapport insiste sur la baisse du nombre d’utilisations pour les procédures réglementaires : – 32% entre 2018 et 2022, notamment par le recours à des méthodes alternatives non-animales dans les types de tests suivants : contrôles de sécurité des lots, contrôles d’efficacité des lots, tests pyrogènes, tests d’irritation cutanée, contrôles de sécurité dans le secteur alimentaire.

Les utilisations en recherche fondamentale ou appliquée sont aussi en baisse (- 7,9%).

En revanche, les utilisations pour production de routine augmentent fortement (+ 34,8%), alors que les utilisations pour la production d’anticorps par la méthode de l’ascite ont diminué de 10,3%. Il en est de même pour les autres domaines d’utilisation : protection de l’environnement (+ 23,6%) et surtout préservation des espèces (+ 493%, avec un nombre d’utilisations passant de 83 683 en 2018 à 496 041 en 2022) ; il s’agit essentiellement de poissons.

2Le rapport quinquennal prend en compte les animaux qui ne figurent pas dans les statistiques annuelles bien qu’ils aient été utilisés à des fins scientifiques, mais ils ont été élevés et tués sans avoir été intégrés dans une procédure expérimentale.

Les animaux comptabilisés dans le rapport quinquennal sont les suivants :

  • les animaux non génétiquement modifiés, tués sans avoir été utilisés dans une procédure, par exemple pour le prélèvement d’organes ou de tissus ;
  • les animaux élevés et mis à mort sans avoir été utilisés pour la création ou la maintenance de lignées génétiquement modifiées :
    • animaux issus de la création d’une nouvelle lignée génétiquement altérée qui ont été produits mais tués car ne présentant pas les caractéristiques souhaitées,
    • animaux produits lors de la maintenance d’une lignée génétiquement altérée mais tués car surnuméraires ou malades.

Mais les animaux génétiquement modifiés présentant des phénotypes dommageables et ceux ayant été génotypés par une méthode invasive avant d’être mis à mort sont comptabilisés dans les statistiques annuelles.

    Année 2022Animaux non pris en compte dans le rapport statistique annuel pour l’UE+NorvègeDont : France  
Animaux produits et tués sans avoir été utilisés dans une procédure (hors animaux impliqués dans la création ou la maintenance de lignées génétiquement modifiées)3 494 334 Dont prélèvements tissus, organes : 1 308 207647 572  
Animaux produits, élevés et tués, issus de la création d’une nouvelle lignée génétiquement modifiée (génétiquement normaux)185 842 Dont prélèvements tissus, organes : 20 67493 387  
Animaux élevés et tués lors de la maintenance d’une lignée génétiquement modifiées5 892 583 Dont prélèvements tissus, organes : 329 7832 024 975  
  TOTAL9 572 759 Dont prélèvements tissus, organes : 1 658 664 (17%)2 765 934 Dont prélèvements tissus, organes : 380 490 (14%)

Par rapport à 2017, à champ identique, le total n’a pas changé. En effet, en 2017, étaient comptabilisés 12,5 millions dont 3,05 millions pour le Royaume-Uni, la Norvège ayant pour sa part un très faible nombre d’animaux dans ces catégories (16 059).

Le nombre d’animaux dans la catégorie « maintenance de lignées » a augmenté de 42% en 2022 par rapport à 2017 ; cependant, le nombre dans la catégorie « animaux conventionnels tués hors procédure » a diminué de 29% et le nombre dans la catégorie « création de lignées » a diminué de 60%.

Dans le total des animaux élevés et tués sans avoir été utilisés dans une procédure, 80,3% sont des souris, 10% des poissons, 5,2% des rats et 1,7% des volailles. Mais quasiment toutes les espèces sont concernées par ce type d’utilisation ; on trouve ainsi dans la liste 307 primates non-humains (dont 101 pour la France), 304 chiens (dont 240 pour la France), 51 chats (dont 4 pour la France).

Par ailleurs, la Commission européenne s’étonne que sur les 161 macaques cynomolgus tués sans avoir été utilisés dans une procédure, seuls 11 aient fait l’objet d’un prélèvement d’organes ou de tissus à des fins scientifiques, alors qu’il « serait important que les tissus et organes soient utilisés autant que possible ».

On constate du reste, d’une manière générale, que le taux de prélèvements de tissus et organes est très bas (17% dans l’UE, 14% en France).

La France est le premier pays de l’UE en nombre d’animaux tués sans avoir été utilisés (2 765 934), devant l’Allemagne (2 437 295) et les Pays-Bas (1 063 330).

Le rapport rappelle que dans la mesure où il s’agit dans de nombreux cas d’élevages d’animaux génétiquement modifiées, il peut arriver qu’un élevage important situé dans un pays-membre travaille pour plusieurs pays. Mais la recherche de limitation des « surplus » devrait de toute façon s’imposer.

L’enquête de la Commission demande d’ailleurs aux Etats membres le type de mesures engagées pour limiter ces « surplus » et de nombreuses propositions sont émises : cryoconservation des lignées, amélioration des techniques de modifications génétiques, utilisation des deux sexes (et pas seulement des mâles), utilisation de ces surplus pour la formation, amélioration de l’efficience et de la qualité des élevages, échanges entre établissements, mise en place de bio banques, politique de placement (« rehoming »), …

COMMENTAIRES

1) A propos des chiffres et de leur évolution

  • L’évolution globale du nombre d’animaux utilisés dans ces procédures expérimentales indique une très faible diminution : en moyenne 1,4% par an entre 2018 et 2022. Une telle évolution  traduit l’échec des mesures de remplacement et réduction.
  • Les données quinquennales bouleversent totalement l’ordre de grandeur fourni par les statistiques annuelles : en 2022, le nombre total d’animaux utilisés à des fins scientifiques s’élevait à 18 902 749 individus, soit le double des nombres indiqués dans les statistiques annuelles

En outre, ce nombre d’animaux tués sans avoir été utilisés est resté stable depuis 2017. Il y aurait lieu de s’interroger sur l’effectivité et la globalisation de l’application des mesures visant à limiter le nombre d’animaux surnuméraires dans les différents Etats membres.

2) Les chiffres témoignent d’un manque total de considération pour les vies animales

  • En 2022, 6,08 millions d’animaux impliqués dans la création ou la maintenance de lignées génétiquement modifiées ont été tués dans l’Union Européenne, simplement parce qu’ils ont été produits en surnombre et n’ont pas trouvé d’« acheteurs », ou ne présentent pas les caractéristiques souhaitées. L’année 2022 n’étant pas une année particulière, on peut légitimement considérer que ce nombre est approximativement celui de chaque année.
  • De même presque 3,5 millions d’animaux ont été tués sans avoir été utilisés dans des procédures dont une minorité pour le prélèvement de leurs tissus ou de leurs organes.

3) L’exclusion des animaux « surnuméraires » des dispositions de la directive européenne est inacceptable

  • Comment imaginer – dès lors que ces millions d’animaux « surnuméraires » sont considérés comme inutiles – qu’ils ne soient pas éliminés comme de simples déchets sans aucune considération pour leur stress et leur douleur ? D’autant que la réglementation ne prévoit rien pour ces animaux « non utilisés dans des procédures ». Seuls ceux qui sont tués pour le prélèvement de leurs tissus et organes sont inclus dans les dispositions de la directive européenne (art. 1- §2).

Au vu de ces « anomalies », quand la commission européenne va-t-elle enfin reconnaître la nécessité de réviser la directive de 2010 ?