L’association RSCPA au Royaume-Uni a publié en 2024 le rapport : « Supporting Replacement in Academia: Exploring barriers around the acceptance and uptake of non-animal methods in science in UK Academia ».
Il est téléchargeable ici.
Un résumé détaillé en français en est donné ici.
Même si lors de la dernière décennie des progrès ont été réalisés dans le développement de méthodes non-animales (NAMs), il reste des défis scientifiques et technologiques à relever. Mais ce ne sont pas les seuls obstacles. Des facteurs socioculturels, liés à la façon dont la recherche scientifique est réalisée, freinent leur acceptation et leur mise en oeuvre.
Ce rapport a cherché à mettre en évidence ces facteurs constituant des barrières dans l’utilisation des NAMs et à déterminer quels sont les moteurs de l’utilisation d’animaux dans la recherche académique. Il est basé sur une enquête qualitative menée dans les universités et écoles de médecine au Royaume-Uni auprès de chercheurs et étudiants post-doctorants de toutes disciplines (32 entretiens approfondis, dont 8 post-doctorants).
Ont émergé 11 thèmes-clés qui mettent en évidence les facteurs d’inertie : impression de sécurité de l’utilisation d’animaux pour obtenir des résultats, importance des connaissances acquises sur les principaux modèles animaux, facilité pour trouver un poste, investissement continu dans les infrastructures animales. La mise en œuvre et l’engagement envers les 3R sont parfois perçus comme seulement symboliques aussi bien au niveau institutionnel qu’au niveau des chercheurs. Les 3R ne restent que des « cases à cocher », on fait « comme si on faisait des efforts » sans s’y investir sérieusement.
Par ailleurs, les obstacles pour développer et diffuser les NAMs sont l’insuffisance de formations dédiées, la perception des limitations des NAMs sur le plan technico-scientifique (avec la perception que tout résultat devra être validé sur des modèles animaux pour que la publication soit acceptée dans une bonne revue), le risque pris par les chercheurs qui s’orienteraient dans cette voie en termes de temps d’acquisition et de mise au point de la technologie, temps pendant lequel ils ne publient pas dans un contexte où publier est indispensable pour avancer dans la carrière scientifique, notamment pour les jeunes. Ces différents facteurs rendent difficile l’accès aux financements alors que les coûts de développement des NAMs et de mise en place des infrastructures adéquates (espace, équipements, expertise et support) sont considérés comme élevés. Pour investir sur les NAMs, il faut un soutien institutionnel, ce ne peut pas être le choix d’un seul chercheur.
Les auteurs soulignent le manque de communication et de collaboration entre ceux développant/utilisant des NAMs et ceux utilisant des animaux. Or, il faudrait que le dialogue s’engage de manière non conflictuelle entre les deux groupes. L’enjeu est de partager l’information, suggérer des alternatives potentielles, engager des collaborations, créer des espaces de discussions pour diffuser l’information sur l’apport scientifique des NAMs.
Une position souvent défendue consiste à faire des NAMs non des méthodes de remplacement de l’utilisation d’animaux, mais des méthodes complémentaires permettant en particulier de mener des investigations in vivo plus précises et in fine de réduire l’utilisation d’animaux. Elles sont aussi utilisées en complément des recherches animales, fournissant une autre manière de répondre à une question scientifique. Il y a d’une manière générale un manque de confiance dans la faisabilité d’un remplacement complet : est mise en avant l’importance d’utiliser un organisme vivant entier, au moins à une étape de la recherche, surtout dans les études de systèmes physiologiques complexes.
Dans ce contexte, il est d’autant plus important d’affirmer l’impératif éthique du remplacement.
Au regard de ces observations, les auteurs dressent des perspectives : les chercheurs doivent savoir quelles NAMs sont particulièrement pertinentes pour leurs travaux et en comprendre la valeur. Ils doivent pouvoir les utiliser en toute confiance, en disposant de l’infrastructure et du soutien nécessaires. L’utilisation des NAMs doit s’inscrire dans les structures établies de reconnaissance dans le monde universitaire, les chercheurs pouvant publier les données issues des NAMs dans des revues à fort impact et accéder à des financements.